Copy to Clipboard. Add italics as necessaryCitation: Julie Paquette, «Soudain Salò (S.S.). Avec toi, contre toi Sade», dans Pasolini. Dialogues avec la France / Dialoghi con la Francia, éd. Marco Antonio Bazzocchi, et al., Cultural Inquiry, 36 (Berlin: ICI Berlin Press, 2025), p. 267–87 <https://doi.org/10.37050/ci-36_14>

Soudain Salò (S.S.)Avec toi, contre toi SadeJulie Paquette*

Abstract

Dans ce chapitre, nous concentrerons notre analyse sur la place de Sade dans l’œuvre de Pasolini. Pour ce faire, nous présenterons d’abord de quelle manière Sade peut être perçu comme un test de Rorsach, puis nous retracerons les occurrences de Sade dans l’œuvre de Pasolini, pour terminer avec l’avènement Salò. Au terme de ce chapitre, nous suggérerons que c’est avec Salò que Pasolini dialogue le plus avec la France, mais c’est un dialogue qui achoppe et qui trouve peut-être le nœud de son achoppement dans l’apathie sadienne, qui fait écho au désintéressement surréaliste auquel Pasolini ne pourra jamais complètement adhérer.

Mots-Clés: Sade; Pasolini; Salò; fascisme; nazisme; surréalisme; abjuration

* Le titre de ce chapitre renvoie à celui de l’introduction du Contre la télévision de Hervé Joubert-Laurencin « Avec toi, contre toi, Pasolini » (Besançon : Les Solitaires intempestifs, 2003) qui lui-même renvoie à un extrait des Cendres de Gramsci de Pasolini, partie iv « Le scandale de me contredire, d’être avec toi et contre toi ». Il s’agit d’une formulation qui suggère d’emblée la nécessité d’accepter la contradiction, sans résolution possible, chose tout à fait pasolinienne s’il en est une.

Introduction

Je suis entrée dans Pasolini par la fin, alors que je rédigeais une thèse de doctorat en pensée politique sur la destitution des volontés d’absolu chez le Marquis de Sade. Salò a été mon Salut, ma porte de sortie du Marquis, mon entrée chez Pasolini. Ma sensibilité antifasciste — celle qui déjà guidait ma lecture de Sade — fut interpelée brutalement alors que Pasolini mettait en scène le roman Les Cent Vingt Journées de Sodome dans l’Italie de Mussolini, plus précisément dans la grotesque1 République sociale italienne de Salo, afin de critiquer les nouvelles formes de fascisme qui émergeaient dans les années 1970. Soudain, Salò faisait irruption dans le champ de la réception de l’œuvre de Sade, et il était loin de faire consensus. Pasolini y dialoguait non seulement Beginning of page[p. 268] avec ce monstre de la littérature française, mais aussi avec ceux qui avaient entamé ce dialogue avant lui.2 Salò, en objecteur de conscience, allait marquer un point de non-retour. L’année 1975 sonna le glas de la « fête sadienne ».3 Non seulement Foucault revenait-il sur sa première lecture de Sade et le présentait-il désormais comme un « Sergent du sexe » qui déployait toute la violence que l’on sait contenue dans la société disciplinaire,4 mais, au même moment, Pasolini avec son film créait l’embarras chez toute une génération de lecteurs complices des romans de Sade.

Dans ce chapitre, nous concentrerons notre analyse sur la place de Sade dans l’œuvre de Pasolini. Pour ce faire, nous présenterons d’abord de quelle manière Sade peut être perçu comme un test de Rorsach, puis nous retracerons les occurrences de Sade dans l’œuvre de Pasolini, pour terminer avec l’avènement Salò. Au terme de ce chapitre, nous suggérerons que c’est avec Salò que Pasolini dialogue le plus avec la France, mais c’est un dialogue qui achoppe et qui trouve peut-être le nœud de son achoppement dans l’apathie sadienne, qui fait écho au désintéressement surréaliste et auquel Pasolini ne pourra jamais complètement adhérer.

Sade en test de Rorschach

La très vaste majorité des philosophes et intellectuels français du xxe siècle a, à un certain moment, directement ou non, écrit sur Sade. Lorsqu’on y regarde de plus près, on remarque que tout se passe comme s’ils projetaient leur singularité sur son œuvre protéiforme:5 Sade se dévoile en test de Rorschach.6 L’on entend cette thèse dans les propos de Bernard Sichère : « Écrivant sur l’œuvre de Sade, chacun Beginning of page[p. 269] écrit en même temps, bien entendu, sur lui-même, quel que soit le degré de ruse ou de distance qu’il mobilise dans sa lecture » ;7 idée aussi suggérée par Annie Lebrun :

Pierre de scandale aux mille facettes, le monde de Sade a le pouvoir de faire trébucher sur son propre reflet celui qui s’y aventure. Car on y court toujours le risque majeur d’y découvrir l’image de ce que l’on est, soudain pris au piège de sa mise en scène infinie.8

En découle une polyphonie — pour ne pas dire une cacophonie — qui a de quoi dérouter au premier abord. À en croire la réception de Sade, il serait tantôt libertin, matérialiste, athée, révolutionnaire, mais aussi contre-révolutionnaire, théologien, monarchiste, anarchiste ; ou encore kantien ou hégélien ; et la liste se poursuit : un penseur de la morale ou de l’émancipation libertaire et encore, une exception monstrueuse annonçant la Terreur et parfois même le nazisme.

S’agissant de l’émancipation libertaire (qui nous intéressera particulièrement pour notre propos), il est possible de classer grossièrement les auteurs en deux camps. D’une part, il y a ceux qui semblent charmés par le texte sadien. Nous les nommons, suivant l’expression de Roland Barthes lui-même, les « lecteurs enchantés » de Sade.9 Parmi eux, certains surréalistes pour qui : « Sade était le défenseur d’un amour libéré, le briseur de conventions morales, le porte-parole d’une sexualité vigoureuse »10 ou encore « un libérateur et un porte-parole intrépide de la liberté intégrale […] celui qui brise à tout jamais les nombreuses bastilles qui tiennent enfermée la liberté fondamentale ».11 On retrouve d’ailleurs cela chez un Buñuel qui avait déjà (du moins en partie) porté Sade à l’écran. On se souviendra du Duc de Blangis (personnage des Cent Vingt Journées de Sodome) faisant son apparition sous les traits du Christ dans L’Âge d’or en 1930 ; ou encore chez un Beginning of page[p. 270] Jean Benoît, ce surréaliste québécois ami d’André Breton qui exécuta le Testament du Marquis de Sade en 1959, acte qui consistait à se brûler les lettres SADE sur le corps après avoir déambulé vêtu d’une sorte d’armure colossale dans les rues de Paris.12 Lebrun, autre surréaliste et autrice de Soudain un bloc d’abîme, Sade, qui a assisté à cette performance fera ressortir, presque trente années plus tard, ce qu’elle perçoit comme la féérie des romans de Sade :

L’Histoire de Juliette est un vrai conte de fées, et même le premier et le seul conte de fées absolument érotique. Pour la première fois, une petite fille vient au monde, uniquement pour son plaisir, uniquement pour notre plaisir, s’avançant dès ses premiers pas dans un univers où les sexes sont grands comme des maisons, où les maisons s’ouvrent comme des sexes, où les gestes déploient les espaces tournoyant de plaisir, où la durée se tend sur les plus belles érections, où enfin les objets de désir sont plus nombreux que les désirs.13

D’autre part, il y a ces lecteurs de Sade qui, bien que le présentant toujours comme un penseur de l’émancipation libertaire en font aussi un prédicteur de l’ordre marchand néo-libéral en associant les dérives du libertinage au libertarianisme et à la logique du capital. Ici se loge Pasolini. Sa lecture trouve des répondants tels que Michel Brix, Dany-Robert Dufour, Marcel Hénaff, Thierry Hentsch et Louis Janover pour ne nommer que ceux-là.14 Selon ces lectures, algolagnie et impératif de jouissance se trouvent confondus et réunis chez Sade sous le même sigle d’une anticipation de la morale bourgeoise : « Là tient le génie du Divin Marquis [écrit Dufour] : il a été le premier à en tirer les conséquences et à dévoiler toutes les implications du principe libéral Beginning of page[p. 271] fondé sur l’égoïsme, qui se lançait alors à la conquête du monde. »15 Brix de son côté s’interroge :

Comment a-t-on pu voir dans Les Cent Vingt Journées de Sodome une œuvre célébrant la complète émancipation des désirs ? La liberté des quatre personnages principaux ne connaît peut-être pas de limites, mais l’atmosphère du roman est à mille lieues de l’hédonisme et du libertinage heureux.16

Il ajoute : Sade peint là « la mécanique libertine [comme] un engrenage qui conduit toujours vers l’intolérable ».17 Hénaff quelques années plus tôt dans L’Invention du corps libertin poussait déjà la filiation entre la société de Silling (le château dans lequel se déroule l’intrigue du roman Les Cent Vingt Journées de Sodome) et la fabrique comme « modèle capitaliste » donnant un accès illimité à des corps qui sont stockés et manipulés selon la cadence du modèle de l’« exploitation industrielle ».18 Alors que Hentsch pour sa part avançait : « Qu’il l’ait ou non pressenti, Sade annonce notre époque, où la liberté de jouir, confondue à l’accumulation financière, n’a pour ainsi dire pas de bornes. »19 Pasolini abonde en ce sens, lui qui retrouve chez Sade cette idée de la réduction du corps à l’état de marchandise, où le pouvoir transforme les humains en choses20 et où « les producteurs obligent les consommateurs à manger de la merde ».21 Fait à noter, une rhétorique tout à fait similaire sera mobilisée pour établir une analogie entre Sade et le fascisme-nazisme.22 On comprend alors mieux pourquoi ceux qui « réduisent l’œuvre de Sade au pur plaisir de les lire » Beginning of page[p. 272] et qui sont « plus envahissant […] que jamais », seront accusés par Pasolini d’être de gourmets terroristes.23

Sade chez Pasolini

La première association entre Sade et Pasolini que nous avons recensée surgit subrepticement en 1965 sous le signe de l’attaque. On la retrouve dans le bien nommé journal Il Borghese, qui n’avait pas particulièrement la réputation d’être tendre à l’égard de Pasolini. Sur une photo en page gauche, Pasolini marche devant un théâtre, un manteau dans les mains, ses lunettes de soleil au visage (voir figure 1).

FIG. 1. Page de Il Borghese, 16 dicembre 1965 (photo Julie Paquette).
Fig. 1. Page de Il Borghese, 16 dicembre 1965 (photo Julie Paquette).

On le devine sortant d’une représentation de la pièce de théâtre du Marquis de Sade Les Crimes de l’amour mettant en scène des passions incestueuses criminelles (d’où — peut-être — l’association sur l’affiche entre cette pièce et le théâtre de la cruauté d’Antonin Artaud). Sur l’affiche on lit :

Teatro G. Belli
3 dicembre 1965
Il teatro della crudeltà
(I crimini dell’amore)
Regia di Fulvio Tonti Rendnell

Puis, en bas de l’image, cette formule : « Pasolini au théâtre en quête d’inspiration. Filmera-t-il l’Évangile selon Sade ? » (Pasolini al teatro in cerca di ispirazione. Girerà il Vangelo secondo Sade ?)24 On décèle là une pointe de mépris, ainsi qu’une critique du dernier film de Pasolini qui, cette même année, sort en salle son Évangile selon Saint-Mathieu où un jeune syndicaliste prend les traits du Christ. Pasolini vient à peine d’être condamné à quatre mois de prison pour outrage à la religion d’État pour son film La Ricotta (1963) ; un non-lieu sera finalement ordonné.

L’année suivante, en 1966, Pasolini termine la pièce Affabulazione qui a pour sous-titre (régicide). Celle-ci débute par un exergue de Sade Beginning of page[p. 274] tiré de l’Histoire de Juliette : « Les causes sont peut-être inutiles aux effets. »25 Dans cette pièce, il est aussi question d’inceste mais sous la forme d’un père épris de son fils (un fils libre qui se refuse à lui). On comprend alors mieux le sens de l’exergue de Sade, les causes renvoyant probablement aux pères qui sont inutiles aux effets : les fils. Le père qui souhaite se faire fils à la place du fils et ira jusqu’à tuer le fils, ce que Pasolini résumera ainsi : « Il y a des époques dans le monde | où les pères dégénèrent | et quand ils tuent leurs fils | ils accomplissent des régicides. »26

Puis, en 1974, dans une chronique littéraire publiée dans Il Tempo au sujet de L’Esthétique de l’obscène de Guido Almansi, Pasolini fait une longue digression au sujet de Sade. Il y soutient notamment que l’expressivité chez Sade « doit être recherchée non pas dans la page ou le détail, mais dans la structure », une structure composée d’« interminables accumulations itératives » comme c’est le cas dans Les Cent Vingt Journées de Sodome, roman dont Pasolini relève, toujours dans le même texte, une parenté schématique avec le Décaméron de Boccace : « Il [Sade] a pris le Décaméron, il l’a rendu infiniment plus sommaire, plus dépouillé, plus mécanique, plus numérique. »27 Rappelons que Pasolini a réalisé lui aussi, en 1971, sa version du Décaméron ; version qui se termine par la formule, prononcée par Pasolini — interprétant le peintre Giotto : « Pourquoi réaliser une œuvre alors qu'il est si beau de la rêver ? » Sans vouloir filer trop loin l’analogie, on pourrait dire que cette formule, qui évoque un décalage entre la capacité de l’imagination et sa matérialisation dans le réel, se présente comme en miroir à celle-là que l’on retrouve dans Les Cent Vingt Journées de Sodome prononcée par le financier Durcet, que l’on associe souvent au Marquis lui-même : « Je me suis toujours plaint de la nature qui en me donnant le désir de l’outrager, m’en ôtait toujours les moyens. »28 C’est aussi dans cette même chronique que Pasolini décrit en toutes lettres Sade comme « un provocateur merveilleux qui, à travers les Lumières rationnelles, a désacralisé non seulement ce que les Lumières désacralisaient, Beginning of page[p. 275] mais les Lumières elles-mêmes à travers l’usage aberrant et monstrueux de leur rationalité ».29 Nous y reviendrons.

Poursuivant chronologiquement la trace de Sade dans l’œuvre de Pasolini, nous nous retrouvons en avril 1975, alors qu’il compose le « Projet de l’œuvre » du petit traité pédagogique Les Lettres luthériennes où il affirme qu’« au lieu de […] dédier [son recueil] à l’ombre monstrueuse de Rousseau, [il le dédie] à l’ombre dédaigneuse [hautaine sdegnosa] du marquis de Sade »30. On observe alors dans les écrits de Pasolini comme dans son cinéma, une rupture avec un certain rousseauisme qui passait par le mythe du bon sauvage31 et que l’on retrouve notamment dans sa Trilogie. Nous y reviendrons aussi.

Puis, en août 1975, Sade le hante à nouveau alors que dans son texte intitulé « Il faudrait juger les hiérarques de la DC », il dresse une analogie entre la Démocratie chrétienne alors au pouvoir en Italie et le roman de Sade Les Cent Vingt Journées de Sodome :

Cher Ghirelli, je crois que le souvenir de la première page de Il Giorno du 21 juillet 1975 restera longtemps gravé dans ma mémoire. C’était une page même typographiquement particulière : symétrique et carrée comme le bloc d’écriture d’une affiche, avec, au centre, une seule image, elle aussi parfaitement régulière, composée de carrés rapprochés qui contenaient quatre photos représentant quatre grands dignitaires de la DC [Démocratie chrétienne]. Quatre : le nombre du marquis de Sade.32

Toujours en août de cette même année, Pasolini rencontre Man Ray,33 peintre américain dadaïste et surréaliste, auteur du célèbre Beginning of page[p. 276] « Portrait imaginaire de D. A. F. de Sade » (1938) sur lequel on aperçoit le visage de Sade dessiné dans la pierre devant une Bastille en flammes (de quoi rappeler le briseur de bastilles mentionné plus haut et célébré par les surréalistes). Pasolini discute avec lui du projet Salò et lui confie même qu’il souhaite utiliser son fameux portrait de Sade pour son film (cela n’aura pas lieu). Pasolini raconte que Man Ray ne comprend rien à son projet, lui qui ne connait pas la République de Salò.34 On sait que Pasolini possédait deux œuvres de Man Ray dans sa collection personnelle, une lithographie du célèbre portrait de Sade et La Transformation d’arachnée.35

Soudain Salò

C’est en 1975 qu’est tourné le film Salò ; comme si Pasolini répondait à ceux qui, dix ans plus tôt dans Il Borghese, ridiculisaient son travail en l’affublant de l’épithète de Sade. Volontairement ou non, Pasolini se réapproprie radicalement l’anathème « Sade » pour le retourner contre ses détracteurs. En effet, le film s’adresse à aussi eux dans la mesure où Pasolini y dénonce l’Italie de son époque, celle où règne en surface une tolérance fallacieuse cachant un fascisme nouveau, celui de la société de consommation.

On se souvient que la photographie présentant Pasolini en page gauche de l’édition du journal Il Borghese en 1965 contenait une affiche sur laquelle la pièce Les Crimes de l’amour de Sade était associée au théâtre de la cruauté d’Artaud. De manière intéressante, dix ans plus tard, Pasolini reprend à son compte cette idée de la cruauté. En janvier 1975, il écrit : « C’est vrai, Salò sera un film ‘cruel’, tellement cruel que je suppose que je devrai m’en distancier, faire semblant de ne pas y croire. »36 Puis en août 1975, en référence à son abjuration de la Trilogie de la vie, la cruauté apparaît de nouveau : « Puisque l’adaptation est Beginning of page[p. 277] défaite, et que la défaite rend agressif et même un peu cruel, voilà Salò, on pourrait même dire Salaud »… ;37 résonne ici le salaud sartrien, le lâche qui prend pour excuse un déterminisme excessif, l’innocent au sens coupable du terme,38 le plus cruel d’entre tous.

Nul meilleur compagnon de route pour attaquer ses contemporains que Sade et l’apathie de ses personnages, nul meilleur roman de Sade que Les Cent Vingt Journées de Sodome. Mais Salò n’est pas une fin en soi, plutôt il s’agit d’un chemin que la force des choses l’oblige à emprunter. Pasolini suggère d’ailleurs qu’il devra ensuite s’en « distancier », comme s’il devait (suivant la très belle expression de Joubert-Laurencin) « abjurer au présent le film en train de se faire ».39 Sade, comme le projet Salò, s’impose à Pasolini comme une urgence.40 Il met sur pause le projet de film sur Saint-Paul : « I have given up the idea of making a film about Saint Paul. Perhaps this is a more meaningful story for today. »41 Dans un extrait d’entretien cité par Naldini, on entend cet empressement :

Maintenant, j’ai fait un film dont je ne sais pas bien pourquoi je l’ai fait, il s’intitule Salò ou les cent vingt journées de Sodome, tiré de Sade et situé sous la République de Salò, c’est-à-dire pendant les derniers mois de Mussolini, bref, je ne sais pas pourquoi je l’ai fait ; maintenant, je vais voir, comprendre pourquoi je l’ai fait, dans quelques mois, dans quelques années.42Beginning of page[p. 278]

Ces quelques mois, ces quelques années n’auront jamais lieu, on le sait, Pasolini sera assassiné avant même que le film ne soit projeté en salle.

Nous le disions, Salò s’impose à Pasolini, lui qui ira jusqu’à abjurer son œuvre passée afin de s’engager « dans le maintenant de sa lisibilité ».43 Rappelons ici un extrait de l’Abjuration de la Trilogie de la vie composée en juin 1975 : « Je suis en train d’oublier comment étaient les choses auparavant. Les visages aimés d’hier commencent à pâlir dans ma mémoire. J’ai devant moi — peu à peu et sans aucune alternative — le présent. Je réadapte ma tâche [mon engagement] à une plus grande lisibilité. [Pasolini ajoute ensuite, entre parenthèse] (Salò ?). »44 Pasolini abjure donc sa Trilogie de la vie (Le Décameron (1971), Les Contes de Canterbury (1972), Les Mille et Une Nuits (1974)). Il écrit : « J’abjure la Trilogie de la vie, bien que je ne regrette pas de l’avoir faite. Car je ne peux pas nier la sincérité et la nécessité qui m’ont poussé à représenter le corps et leur symbole principal, le sexe [mais] je ne pourrais plus faire des films comme La Trilogie de la vie parce que désormais, je hais les corps et les organes sexuels. »45 Cependant, même si le texte de l’abjuration laisse entendre une rupture complète dans l’œuvre de Pasolini, force est de constater, lorsqu’on s’y attarde de plus près, que déjà le rapport érotique et joyeux à la vie et au corps s’était transformé au fil de la Trilogie de la vie, notamment dans les « déprimants et funèbres Contes de Canterbury »46 qui furent — sans réduire l’œuvre de Pasolini à sa dimension biographique — inextricablement liés à sa rupture avec Ninetto.

Sade s’impose mais il n’est en rien un accident de parcours. Salò s’inscrit en continuité et non en rupture avec ce que Pasolini édifiait depuis plusieurs années. Pensons aussi à Porcherie (film réalisé en 1969),47 où on voyait poindre déjà sa haine des corps marchandises, Beginning of page[p. 279] tout comme sa colère contre toute logique transgressive détournée au bénéfice des nouvelles alliances capitalistes (entre les vieux et les nouveaux fascistes/nazis).48 On retrouve aussi cela dans Salò.

[Dans Salò], le sexe est encore utilisé, mais au lieu d’être utilisé comme dans la ‘Trilogie de la vie’, comme quelque chose de joyeux, de beau, de perdu, il est utilisé comme quelque chose de terrible […]. Ce qu’a brutalement fait Hitler, c’est-à-dire en tuant, en détruisant les corps, la civilisation de la consommation l’a fait sur le plan culturel, mais en réalité, c’est la même chose.49

Pasolini enfantera avec Les Cent Vingt Journée de Sodome une hydre à deux têtes, Salò et Pétrole. Pour son roman Pétrole, débuté en 1972 et publié à titre posthume, Pasolini dira avoir usé du roman de Sade en filigrane de la trame narrative.50 Sade lui aurait inspiré la technique de l’énumération,51 technique qui sera reprise aussi dans Salò. Puis Pétrole, comme Les Cent Vingt Journées de Sodome d’ailleurs, se caractérisent par leur inachèvement — un inachèvement pensé et achevé comme tel, puisque Sade aurait eu tout le loisir de l’automne 1785 à juillet 1789 de retoucher le manuscrit.52 Bref, il faut lire/voir Pétrole et Salò ensemble. Ces deux œuvres où s’entrecroisent merde et fascisme se complètent. On se souvient de cette citation dans Pétrole : « Les véritables fascistes étaient maintenant, en réalité, les antifascistes au pouvoir. »53 Ces Beginning of page[p. 280] mêmes propos sont repris dans Salò : « Nous, les fascistes, sommes les véritables anarchistes, une fois que nous nous sommes emparés du pouvoir bien sûr » et marquent chez Pasolini une manière de condamner le fascisme qui se présente sous le visage trompeur de l’antifascisme, qu’il associe aussi parfois à la fausse tolérance.

On a écrit qu’il y avait dans Salò un esprit carnavalesque. On cite alors — de concert avec Mikhaïl Bakhtine que Pasolini mobilise par ailleurs dans l’Expérience hérétique — les corps grotesques, l’humour scabreux et les amas de merde et d’urine comme autant d’exemples qui attesteraient du rire subversif de Pasolini.54 Il y a du rire dans Salò il est vrai, mais c’est un rire de l’entre-soi entre puissants, un rire destiné exclusivement aux dominants. Nous sommes à des lieux d’un Rabelais et, même si Hélène Surgère affirma en 2002 que le tournage fut plutôt « juvénile et joyeux », force nous est de constater que le film qui en émane a plus à voir avec ce que montre à la caméra un Pierre Falardeau dans l’incisif court-métrage documentaire Le Temps des bouffons (1985) : c’est-à-dire un moment de rencontre entre les notables de la bourgeoisie coloniale où le carnaval s’opère sans renversement aucun, où tout est à l’endroit, « les maîtres jouent le rôle des maîtres, les esclaves restent les esclaves, chacun à sa place ».55 L’anarchie qui se dégage dans Salò n’a rien d’une commune insurrectionnelle, ni d’un instant de liberté où tout devient possible, elle est plutôt l’anarchie au pouvoir des Caligula et des Héliogabale de ce monde : « En donnant corps à une anarchie du pouvoir, le film désigne la permanence d’un état d’exception, où les élites conquièrent la liberté de transgresser les lois auxquelles l’ensemble du corps social s’avère assujetti. »56 C’est bien en cela aussi que l’univers de Salò est sadique et non sadomasochiste comme l’est Portier de nuit de Liliana Cavani par exemple.57 Il n’y a pas d’ambiguïté, pas d’inversion des rôles, pas de manipulation des bourreaux de la part des victimes, pas non plus d’esthétisation complaisante des nazis. Beginning of page[p. 281] Ajoutons à cela qu’il y a une impossibilité complète de la « transmutation souffrance/jouissance chez le spectateur [qui subit] l’apathie sadienne ».58 La structure de Salò est tout sauf dialectique, elle empêche tout mouvement. Sa « perfection formelle [est] glacée »,59 elle déploie une « structure de cyclone pétrifiée »60 dira-t-on, reprenant l’expression de Lebrun au sujet du roman de Sade. Dans une conversation avec Bachmann Pasolini formula d’ailleurs : « Formally I want this film to be like a crystal, and not magmatic, chaotic, inventive and out-of-proportion like my previous ones. It is all perfectly calculated. »61 Et rien de mieux pour rendre justice à ce cristal que l’écriture de Sade « détachée du magma du monde et de la passion ».62

Salò sera reçu de manière équivoque. Si l’on s’arrête seulement sur les critiques qui renvoient à Sade, il est possible de les rassembler au compte de trois. On dira que Pasolini déforme Sade ; qu’on ne peut pas porter Sade à l’écran et que Sade n’est pas un nazi. S’agissant de la première critique, on lira Barthes par exemple qui dira qu’« en restant fidèle à la lettre » des scènes sadiennes, Pasolini en vient à déformer l’objet-Sade ; assertion pour le moins surprenante puisque Pasolini n’est précisément pas resté fidèle à la lettre de Sade, il s’est permis une certaine libéralité par rapport au texte. Il a non seulement déplacé le contexte de l’action, mais il a aussi notamment ajouté des extraits de commentateurs de Sade dont Klossovski et Barthes tout comme de la poésie d’Erza Pound, il a modifié le final en insérant l’ambivalente figure de Marguerite lorsque dansent les deux miliciens, fait jouer Dante avec Sade en misant sur le motif circulaire (multiple de 3), plutôt que sur le carré sadien (multiple de 4), et ce ne sont là que Beginning of page[p. 282] quelques exemples parmi d’autres. Impossible de soutenir que Pasolini est resté fidèle à la lettre, mais à l’esprit oui, peut-être. Loin de nous l’idée d’être d’accord avec Barthes qui prétend que Pasolini a déformé l’objet-Sade, bien au contraire. Plutôt, il semble avoir été fidèle dans la trahison, lui qui suggérait que Sade lui-même s’était inspiré de Dante pour Les Cent Vingt Journées de Sodome.63 Pasolini a utilisé Sade au plus près, en le mobilisant pour mettre en scène à nouveau frais ce que Sade faisait déjà deux cents ans plus tôt : destituer de son socle tout ce qui avait prétention à l’absolu. Sans « forcer l’œuvre de Sade », il l’a plutôt conduit à ses conclusions, élargissant son analyse en substituant à la notion de « Dieu », celle de « pouvoir ».64 Un bel hommage si vous voulez mon avis.

Ensuite on dira, on ne peut porter Sade à l’écran :65

Je crois qu’il n’y a rien de plus allergique au cinéma que l’œuvre de Sade [soutient Foucault]. Parmi les nombreuses raisons, d’abord celle-ci : la méticulosité, le rituel, la forme de cérémonie rigoureuse que prennent toutes les scènes de Sade, excluent tout ce qui pourrait être du jeu supplémentaire de la caméra. La moindre addition, la moindre suppression, le plus petit ornement sont insupportables. Pas de fantasme ouvert, mais une réglementation soigneusement programmée. Dès que quelque chose manque ou vient en surimpression, tout est loupé. Pas de place pour une image.66

Il est intéressant de souligner que c’est précisément cette « méticulosité » et cette « forme de cérémonie rigoureuse » qui a attiré Pasolini dans l’antre de Sade comme il le mentionne lui-même dans le projet Pétrole ; le roman ayant été publié de manière posthume, il est possible de se demander si sa lecture aurait pu influencer Foucault et modifier son constat, mais nous sommes ici dans le domaine de la supposition. Revenons à Foucault puisque si on lit attentivement sa critique, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il est davantage embêté par Portier Beginning of page[p. 283] de nuit que par Salò. En effet, l’entretien mené par Gérard Dupont pour Cinématographe débute par un amalgame entre ces deux films, susceptible de nous conduire sur une fausse piste. Lorsque Foucault affirme « Ce qui m’ennuie, c’est qu’on utilise dans les films récents un certain nombre d’éléments qui ressuscitent à travers le thème du nazisme un érotisme de type disciplinaire »,67 on sait qu’il pense au film de Cavani puisqu’il est impossible de voir de l’érotisme dans Salò. D’ailleurs, ses propos rappellent directement l’entretien qu’il avait accordé aux Cahiers du cinéma quelques mois auparavant sur le thème de l’ « Anti-Rétro » où il était question de Portier de nuit.68 Puis, lorsque Foucault ajoute au sujet de Sade que « c’est un disciplinaire, un sergent du sexe, un agent comptable des culs et de leurs équivalents »69 on ne peut tirer là aucune autre conclusion que celle d’une grande parenté entre les lectures de Sade que proposent Foucault et Pasolini.70

Finalement on dira : Sade n’est pas un nazi. On parlera alors d’une « grossière analogie (entre le fascisme et le sadisme) ».71 Citons ici Lebrun, qui n’a d’ailleurs pas particulièrement aimé le projet Salò, elle qui condamnait l’« intérêt tapageur » que l’on prêtait à ce « gigantesque contresens cinématographique ». Elle affirmait : « Pasolini en est arrivé à la falsification pure et simple, dès lors qu’il n’a pas hésité à plaquer une interprétation idéologique — je parle de sa transposition à l’époque fasciste — sur un texte dont la puissance définitive est de se situer en deçà de toute référence idéologique. »72 Il est intéressant de voir ici Lebrun qui cherche à soustraire Sade à toute référence idéologique possible. On la comprend, elle pour qui « la radicalité et la nouveauté de l’œuvre sadienne résid[ai]ent [précisément] […] dans une ‘technique de nettoyage idéologique’ ».73 Mais ce que permet Sade pour Pasolini va bien au-delà d’une référence idéologique précise Beginning of page[p. 284] puisque c’est chez Sade que Pasolini trouve ce qui lui permet d’éviter de feindre de croire que le nazisme était d’un seul temps et d’un seul pays. Sade permet, et nous reprenons ici précisément les mots de Lebrun, de faire « apparaître l’inconcevable inhumanité qui est en nous », ce qui n’est pas sans rappeler cette dernière phrase qui clôt Nuit et brouillard « ces nouveaux bourreaux, ont-ils vraiment un autre visage que nous ? »74 Le propre de Salò n’est-il pas précisément de nous faire voir que le fascisme va au-delà de la référence idéologique, qu’il est une « disposition de l’esprit »75 pour reprendre une expression chère aux surréalistes. Que ses résonnances se font entendre aussi chez ceux qui prônent la libération des corps sans songer à la manière dont elle se déploie parfois sous l’égide du pouvoir et du capital, ce que Foucault nomme « le fascisme qui est en nous tous, qui hante nos esprits et nos conduites quotidiennes, le fascisme qui nous fait aimer le pouvoir, désirer cette chose même qui nous exploite ».76

C’est peut-être étonnamment chez un jésuite québécois, Marc Gervais,77 que l’on retrouve l’une des lectures les plus généreuses de Salò au moment de sa sortie. Notons que ce dernier n’avait pas particulièrement apprécié la Trilogie de la vie qu’il qualifiait « d’objet de consommation » où « le goût de la mort et de la pourriture » pénétrait malgré une aspiration à une certaine « joie et innocence », comme si Gervais avait déjà appréhendé, dès la sortie de la Trilogie, l’abjuration à venir. Gervais écrit qu’avec Salò :

Pasolini redevient un cinéaste important. Et comme jamais auparavant, un cinéaste maudit […] « Salò » n’est pas un film pornographique, ni sadique. […] On n’a qu’à étudier les réactions de la foule : aucun ‘trip’ pour les voyeurs […]. Pour moi, c’est le dernier cri (artistique) d’un cinéaste au bord de l’abîme. Plus de dialectique, plus de lutte, seulement le cri de désespoir devant cette condition humaine devenue intolérable.78Beginning of page[p. 285]

Gervais saisit bien l’absence de dialectique possible mentionnée plus tôt dans ce chapitre, il écrit aussi en toute lettre que Salò n’est pas un film pornographique, encore moins sadomasochiste. Joubert-Laurencin me faisait remarquer ce fait étonnant que Gervais retrouve-là, dans Salò, le cri final du film pour lequel il avait décerné le prix de l’OCIC : le cri dans le désert du père qui est à la fois Grand refus et souffle de vie. Gervais nous ramène à l’essentiel : le désespoir d’un Pasolini qui ne tolère plus cette société de fausse tolérance. Pasolini est au bord de l’abîme. Certes, nous avons maintes fois ailleurs démontré que son désespoir était plein d’espérance, que Pasolini avait d’autres projets en cours, mais Salò s’imposait comme un passage obligé, un cri cruel déchirant la « normalité »,79 un « bloc d’abîme [pour reprendre l’expression de Lebrun au sujet du roman Les Cent Vingt Journées de Sodome] déchirant définitivement l’horizon des Lumières ».80

Conclusion : Avec toi, contre toi Sade

Nous l’avons déjà dit, Pasolini décrit Sade comme « un provocateur merveilleux qui, à travers les Lumières rationnelles, a désacralisé non seulement ce que les Lumières désacralisaient, mais les Lumières elles-mêmes à travers l’usage aberrant et monstrueux de leur rationalité ».81 Il y a quelque chose ici de vraiment poignant quand on replace cette citation dans le contexte du cinéma pasolinien, notamment si l’on repense à Médée (1969) où Pasolini opposait l’archaïsme de ce personnage mythique au rationalisme monstrueux de Jason, Pasolini prenant résolument le parti de la première qui sacrifie ses enfants pour leur épargner un monde plus terrible que la mort. Mais plus encore, puisque la presqu’entièreté du cinéma de Pasolini peut se lire sous le signe de la recherche de l’archaïque, du sauvage, de ce qui vient d’un monde d’avant, un monde qui n’a pas encore été corrompu par la rationalité instrumentale petite-bourgeoise : l’univers des borgate, la figure de Cassandre en Afrique, la joie et l’innocence des Mille et une nuits, bref toutes ces lucioles qui, même si elles sont en voie de disparition, Beginning of page[p. 286] nous donnent raison d’espérer encore. Tout se passe comme si, à force d’avoir trop tiré sur le frein d’urgence d’un train nommé progrès,82 la force des choses avait conduit Pasolini, l’instant d’un film : Salò, l’instant d’un livre : Pétrole, à modifier (abjurer) radicalement son approche ; et qu’il n’a pas trouvé meilleur allié pour balancer à la face du monde la vérité des dérives de la modernité, que le marquis de Sade. Sade qui était, selon les mots de Lebrun elle-même « la plus implacable critique de la scène des Lumières ».83

N’est-il pas intéressant de souligner ici la parenté de lecture entre Pasolini et Lebrun, elle qui avait tant détesté le film. Qu’est-ce qui a fait blocage ici, où se situe l’impasse ? Comment interpréter le fait que Lebrun n’ait pas vu dans le Salò de Pasolini un compagnon de route ? Au test de Rorschach, devant le texte de Sade, les interprétations qu’en donnent Lebrun et Pasolini ont de nombreux traits communs. Mais là où Lebrun affirme de concert avec les surréalistes que « Sade est surréaliste dans le sadisme »,84 suggérant une adhésion à la figure du Marquis, Pasolini n’adopte Sade que pour mieux s’en dissocier par la suite. S’il adresse le film « à un autre [lui]-même »85 c’est un lui-même en miroir à la manière des deux Carlos de Pétrole et dont l’un représente la face détestée, mais bien réelle (la possibilité du fascisme), qu’il importe de combattre. Il semble aussi y avoir quelque chose dans le désintéressement surréaliste86 qui ne colle pas à Pasolini. L’amour de Pasolini pour la vie, sa radicale hérésie, l’empêche (le sauve) d’être récupéré par les surréalistes pour qui « la fidélité sans défaillance aux engagements du surréalisme suppos[ait] un désintéressement ».87 Là a où les surréalistes voient en Sade un miroir renvoyant leurs propres désirs de liberté, Pasolini y voit plutôt une fenêtre sur le monde.

C’est peut-être avec Salò que Pasolini dialogue le plus avec la France (il y dialogue non seulement avec Sade, mais avec toute une génération de lecteurs) ; mais c’est un dialogue qui achoppe par Beginning of page[p. 287] moments. Peut-être y-a-t-il quelque chose dans l’athéisme radical que l’on retrouve en France qui pourrait agir ici comme une clef d’interprétation de l’impasse… Sade disait que l’idée de Dieu était le seul tort qu’il ne pouvait pardonner à l’homme, Pasolini pour sa part, ne blâmera jamais l’humain en soi mais plutôt les institutions, les bourgeois, les collaborateurs du système. Aux survivances, il pardonne aisément, il se fait amour du peuple malgré ses déceptions infinies.88 Pasolini espèrera jusqu’à la fin. Sade est davantage un compagnon de passage. Salò n’est pas la fin, mais un arrêt obligé, un arrêt sur lequel malheureusement le montage de sa vie se sera « accompli ».89

Notes

  1. Le titre de ce chapitre renvoie à celui de l’introduction du Contre la télévision de Hervé Joubert-Laurencin « Avec toi, contre toi, Pasolini » (Besançon : Les Solitaires intempestifs, 2003) qui lui-même renvoie à un extrait des Cendres de Gramsci de Pasolini, partie iv « Le scandale de me contredire, d’être avec toi et contre toi ». Il s’agit d’une formulation qui suggère d’emblée la nécessité d’accepter la contradiction, sans résolution possible, chose tout à fait pasolinienne s’il en est une.
  2. Serge Daney, « Notes sur Salò », Cahiers du cinéma, 268–69 (juillet-août 1976), p. 102–03 (p. 103).
  3. D’ailleurs le film s’ouvre sur une bibliographie sélective des commentateurs du texte sadien où sont cités Roland Barthes, Maurice Blanchot, Simone de Beauvoir, Pierre Klossowski et Philippe Sollers. Pour en savoir davantage sur ce sujet, voir le chapitre rédigé par Hervé Joubert-Laurencin dans le présent ouvrage.
  4. Éric Marty, Pourquoi le xxe siècle a-t-il pris Sade au sérieux ? (Paris : Seuil, 2011), p. 26.
  5. Michel Foucault, « Sade, sergent du sexe », dans Foucault, Dits et écrits, 2 vol. (Paris : Gallimard, 2001), i : 1954–75, p. 1686–90 (p. 1686).
  6. Hubert Juin, « Sade entier », Europe, 522 (octobre 1972), p. 10–15 (p. 14).
  7. C’est là l’une des hypothèses que j’avance dans ma thèse : Julie Paquette, « Sade peintre de caractères ou la destitution des volontés d’absolu. Étude d’inspiration lefortienne » (thèse de doctorat sous la direction de Gilles Labelle, Université d’Ottawa, 2012).
  8. Bernard Sichère, « Sade, l’impossible », Lignes,14 (mai 2004), p. 141–58 (p. 142).
  9. Annie Lebrun, On n’enchaîne pas les volcans (Paris : Gallimard, 2006), p. 18.
  10. Roland Barthes, « Sade – Pasolini » [1976], dans Barthes, Œuvres complètes, dir. Eric Marty, 5 vol. (Paris : Seuil, 2002), iv : Livres, textes et entretiens, 1972–76, p. 944–46 (p. 944).
  11. Rosemary Lancaster, La Poésie éclatée de René Char (Paris : Éditions Rodopi, 1994), p. 110.
  12. Svein-Eikik Fauskevâg, Sade ou la tentation totalitaire, étude sur l’anthropologie littéraire dans « La Nouvelle Justine » et « L’Histoire de Juliette » (Paris : Champion, 2001), p. 8. Voir aussi Svein-Eikik Fauskevâg, Sade dans le surréalisme (Paris : Privat, 1982).
  13. Voir là-dessus Dominic Marion, « Sade au rituel : Jean Benoît et le corps mystique du surréalisme », dans Marion, Sade et ses lecteurs. Une historiographie critique (xviiiexxiie siècle) (Paris : Hermann, 2017), p. 265–74.
  14. Annie Lebrun, Soudain un bloc d’abîme, Sade (Paris : Jean-Jacques Pauvert, 1986), p. 308–09.
  15. Voir Michel Brix, Sade et les félons (Jaignes : Chasse aux Snark, 2003) ; Marcel Hénaff, Sade, l’invention du corps libertin (Paris : Presses Universitaires de France, 1978) ; Thierry Hentsch, « Sade, la jouissance absolue », dans Hentsch, Le Temps aboli (Montréal : Presse de l’Université de Montréal, 2005), p. 103–25 ; Louis Janover, Lautréamont et les chants magnétiques (Arles : Sulliver, 2002) ; Dany-Robert Dufour, La Cité perverse, libéralisme et pornographie (Paris : Denoël, 2009) et Bertrand Binoche, Sade ou l’institutionnalisation de l’écart (Québec : Les Presses de l’Université Laval, 2007).
  16. Dufour, La Cité perverse, p. 45.
  17. Michel Brix, Sade et les félons, p. 152.
  18. Ibid., p. 158.
  19. Marcel Hénaff, L’Invention du corps libertin (Paris : Presses Universitaires de France, 1978), p. 178 ; 182 ; 184–05.
  20. Ibid., p. 124–25.
  21. Pier Paolo Pasolini, Polémique Politique Pouvoir. Conversations avec Gideon Bachmann, trad. Fabien Trémeau (Paris : Éditions critiques, 2024), p. 138 ; 149 ; 159.
  22. Ibid., p. 155.
  23. Voir Emmanuelle Sauvage, « L’Écriture du corps dans Les Cent Vingt Journées de Sodome de Sade », Tangence, 60 (1999), p. 119–33 (p. 132) et Fauskevâg, Sade ou la tentation totalitaire, p. 17.
  24. Pier Paolo Pasolini, Descriptions de descriptions, trad. René de Ceccatty (Paris : Rivages, 1995), p. 184.
  25. Il Borghese, 16 dicembre 1965, p. 816, ma traduction. Collezione Sergio Oriente-Enrica Piscolla ; présentée dans le cadre de l’exposition Pier Paolo Pasolini, Tutto è santo. Il corpo poetico., Roma, Palazzo delle Esposizioni, 2022.
  26. Pier Paolo Pasolini, « Affabulazione », dans Pasolini, Théâtre, trad. Michèle Fabien, Titina Maselli et Alberte Spinette (Paris : Actes Sud, 1995), p. 119–208 (p. 121).
  27. Ibid., p. 202 (en italiques dans le texte)
  28. Pasolini, Descriptions de descriptions, p. 182.
  29. Sade, Les Cent Vingt Journées de Sodome (Paris : 10/18, 1975), p. 14.
  30. Pier Paolo Pasolini, Descriptions de descriptions, p. 183 (nous rétablissons « ­sacralisaient » qui fait l’objet d’un lapsus dans la traduction de René de Ceccatty).
  31. Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes. Petit traité pédagogique, trad. Anna Rocchi Pullberg (Paris : Seuil, 2002), p. 42.
  32. Idée que l’on retrouve notamment dans l’inédit « Que faire du bon sauvage ? », « Che fare del “Buon selvaggio” », inédit, 1970, publié dans L’Illustrazione italiana, 109.3 (février–mars 1982), repris dans Pasolini, Saggi sulla politica e sulla società, éd. Walter Siti et Silvia De Laude (Milan : Mondadori, 1999), p. 217–22 et publié dans sa traduction en langue française pour la première fois en première page du premier numéro de la revue transculturelle canado-américo-italienne Vice versa. Voir Pier Paolo Pasolini, « Que faire du bon sauvage », trad. Nunzia Javarone, Vice versa Magazine transculturel, 1.1 (1983), p. 1 ; 10–11.
  33. Pasolini, Lettres luthériennes, p. 125.
  34. Silvia Martín Gutiérrez, « L’incontro fra Pier Paolo Pasolini e Man Ray », Città Pasolini, 15 novembre 2022 <https://www.cittapasolini.com/post/pier-paolo-pasolini-incontra-man-ray-fregene-agosto-1975> [consulté le 3 mars 2025].
  35. Pier Paolo Pasolini, « Andy Warhol’s Ladies & Gentlemen », dans Andy Warhol, Ladies & Gentlemen (New York : Skarstedt Gallery, 2009), p. 4–7.
  36. Voir Pasolini pittore, éd. Silvana Cirillo, Claudio Crescentini et Federica Pirani (Milan : Silvana Editoriale, 2022), p. 288–89.
  37. Pier Paolo Pasolini, « Poesie, prose e un nuovo film in cantiere. Pasolini ricomincia », propos recueillis par Lorenzo Mondo, La Stampa, 10 janvier 1975, cité dans Hervé Joubert-Laurencin, « Le Pasolini des derniers temps dans le ‘maintenant’ de sa lisibilité », Pasolini cinéaste civil, revue CiNéMAS, 27.1 (2016), p. 77–94 (p. 86).
  38. Pier Paolo Pasolini, « Pasolini : l’Italia una fossa dei serpenti », entretien avec Gian Luigi Rondi, Il Tempo, 24 août 1975 (en version française dans le livret d’accompagnement du DVD de Salò édité par Carlotta Films en 2009), cité dans Joubert-Laurencin, « Le Pasolini des derniers temps dans le ‘maintenant’ de sa lisibilité », p. 87.
  39. Julie Paquette, « Du lumpen prolétariat à la jeunesse aux cheveux longs : la problématique de l’innocence dans La séquence de la fleur de papier (1969) de Pier Paolo Pasolini », Revue Hors Champ (2014) (en ligne) <https://horschamp.qc.ca/article/du-lumpen-proltariat-la-jeunesse-aux-cheveux-longs> [consulté le 3 mars 2025].
  40. Hervé Joubert-Laurencin, « Salò ou les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini (Paris : Les édition de la transparence, 2012), p. 20.
  41. Pour retracer l’histoire entourant le projet d’un film à partir du roman Les Cent Vingt Journées de Sodome, voir Joubert-Laurencin, « Salò ou les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini, p. 114 et Roberto Chiesi, « Salò ou les 120 journées de Sodome », dans Tout sur Pasolini, dir. Jean Gili, Roberto Chiesi, Silvana Cirillo et Piero Spila (Paris : Gremese, 2022), p. 369–75 (p. 370).
  42. Gideon Bachmann et Pier Paolo Pasolini, « Pasolini on de Sade : An Interview during the Filming of The 120 Days of Sodom», Film Quarterly, 29.2 (Winter 1975–76), p. 39–45.
  43. Pier Paolo Pasolini cité dans Nico Naldini, Pier Paolo Pasolini, trad. René de Ceccatty (Paris : Gallimard, 1991), p. 401.
  44. Joubert-Laurencin, « Le Pasolini des derniers temps dans le ‘maintenant’ de sa lisibilité », p. 86.
  45. Pasolini, Lettres luthériennes, p. 87.
  46. Ibid., p. 81 ; 83.
  47. Joubert-Laurencin, « Le Pasolini des derniers temps dans le “maintenant” de sa lisibilité ». Voir aussi là-dessus Pier Paolo Pasolini, Le Dada du sonnet, trad. Hervé Joubert-Laurencin (Besançon : Les Solitaires intempestifs, 2005).
  48. Dans un auto-entretien publié le 25 mars 1975 dans Il Corriere della sera Pasolini demande si le film Salò a des précédents dans son œuvre. Il répond : « Oui. Je vous rappelle Porcherie. Je vous rappelle également Orgie, œuvre théâtrale dont j’ai moi-même assuré la mise en scène (à Turin, en 1968) » (Naldini, Pier Paolo Pasolini, p. 387). Voir aussi Pier Paolo Pasolini, Polémique Politique Pouvoir, p. 167.
  49. Voir là-dessus Julie Paquette, « La question du refus face au pouvoir intégrateur, Pasolini et le poète déterré par les porcs à l’ère du fascisme de la société de consommation, De(s)générations (2024), p. 119–27.
  50. Pier Paolo Pasolini cité dans Naldini, Pier Paolo Pasolini, p. 401.
  51. Chiesi, « Salò ou les 120 journées de Sodome », p. 370. Pasolini nommera textuellement Sade à deux reprises dans Pétrole. Il écrit que « Sade [lui] enseigne qu’il ne faut pas trop exiger du lecteur », et plus loin : « Et moi, comme le marquis de Sade, je pense que ‘le lecteur a le droit de se fâcher quand il s’aperçoit que l’on veut trop exiger de lui…’ c’est pour cela que je lui ai généreusement posé le dilemme en des termes presque élémentaires ». Voir Pier Paolo Pasolini, Pétrole, trad. René de Ceccatty (Paris : Gallimard, 2006), p. 124 ; 479.
  52. Énumération qui obsédait complètement l’embastillé qui écrivait par exemple, dans une lettre à sa femme : « Aujourd’hui jeudi 14 décembre 1780, le 1400e jour, de la 200e semaine et l’échéance du 46e mois que nous sommes séparés, ayant reçu de toi soixante et huit provisions de quinzaines et cent lettres, et celle-ci étant de moi la 114e », cité dans Lebrun, Soudain un bloc d’abîme Sade, p. 44.
  53. Ibid., p. 42–43.
  54. Pasolini, Pétrole, p. 531.
  55. Marco Antonio Bazzocchi, Esposizioni Pasolini, Foucault e l’esercizio della verità (Bologne : il Mulino, 2017), p. 101–03.
  56. Le Temps des bouffons, réalisé par Pierre Falardeau (1985).
  57. Marion, Sade et ses lecteurs, p. 252.
  58. Anne-Violaine Houcke, « SM chez les S.S. critique du Portier de nuit de Liliana Cavani », Critikat, 2 (octobre 2012) <https://www.critikat.com/actualite-cine/critique/portier-de-nuit/> [consulté le 3 mars 2025].
  59. Véronique Taquin, « Pathos et sacralité chez Pasolini. D’Accattone à Salo ou les 120 journées de Sodome », Chroniques italiennes web, 12 (avril 2007), p. 1–30 (p. 27). Fait intéressant, dans La Dialectique de la raison, Adorno et Horkheimer nous rappellent que chez Kant, « l’apathie [considérée comme une force] est un présupposé indispensable de la vertu », suggérant que Sade opère, par l’apathie de ses personnages, une sorte de destitution des Lumières. Max Horkheimer et Theodor W. Adorno, « Digression ii : Juliette, ou la raison morale », dans Horkheimer et Adorno, La Dialectique de la raison (Paris : Gallimard, 1974), p. 127–78 (p. 147).
  60. Chiesi, « Salò ou les 120 journées de Sodome », p. 371.
  61. Lebrun, Soudain un bloc d’abîme Sade, p. 43.
  62. Bachmann et Pasolini, « Pasolini on de Sade », p. 39–45. Voir aussi : Pasolini, Polémique Pouvoir Politique, p. 146–47 ; 164
  63. Pasolini, Descriptions de descriptions, p. 181.
  64. « Il n’est pas dit que Sade n’ait pas tenu compte également de la Divine Comédie : de sa « forme » pyramidale, construite par brefs blocs narratifs » (Pasolini, Descriptions de descriptions, p. 182).
  65. Pasolini, Polémique Politique Pouvoir, p. 137–38.
  66. Voir là-dessus Jacques Zimmer, Sade et le cinéma (Paris : La Musardine, 2010) et Alberto Brodesco, Sade et le cinéma, Regard, corps, violence (Aix-en-Provence : Rouge profond, 2020).
  67. Foucault, « Sade, sergent du sexe », p. 1686.
  68. Ibid. p. 1689.
  69. Michel Foucault, « Entretien avec Michel Foucault », Cahiers du cinéma (juillet–août 1974), p. 5–18.
  70. Ibid. p. 1690.
  71. Qui plus est, comme le relève Joubert-Laurencin dans Le Grand Chant. Pasolini, poète et cinéaste (Paris : Macula, 2022), p. 777, note 109 : on peut douter, aux vues des réponses qu’il donne et du fait que le film n’avait été projeté qu’une fois en salle à Paris le 22 novembre 1975, que Foucault avait vu Salò avant de faire l’entrevue.
  72. Barthes, « Sade – Pasolini », p. 944.
  73. Lebrun, On n’enchaîne pas les volcans, p. 80.
  74. Fauskevâg, Sade ou la tentation totalitaire, p. 8.
  75. À ce propos, rappelons les mots de Jean-Claude Biette qui disait : « Nuit et brouillard et Salò sont les deux films que devrait voir tout spectateur qui aspire à devenir citoyen ».
  76. André Breton, Manifestes du surréalisme (Paris : Gallimard, 2023), p. 75.
  77. Michel Foucault, « “Préface” à la traduction américaine de l’anti-œdipe (1977) », dans Foucault, Dits et écrits, 2 vol. (Paris : Gallimard, 2001), ii: 1976–1988, p. 133–36.
  78. Marc Gervais est le premier biographe de Pasolini en langue française : Pier Paolo Pasolini (Paris : Seghers, 1973) ; il était aussi président du jury de l’Office catholique international du cinéma lorsque Pasolini reçut son prix pour Théorème (1968).
  79. Marc Gervais, « Pier Paolo Pasolini, le dernier cri d’un cinéaste au bord de l’abîme », Cinéma Québec, 43 (1976), p. 8–11.
  80. Pier Paolo Pasolini, La Rage, trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas (Caen : Nous, 2014), p. 15.
  81. Lebrun, On n’enchaîne pas les volcans, p. 79.
  82. Pasolini, Descriptions de descriptions, p. 183.
  83. Michael Löwy, Walter Benjamin : avertissement d’incendie, une lecture des thèses “Sur le concept d’histoire” (Paris : Éditions de l’Éclat, 2018).
  84. Lebrun, On n’enchaîne pas les volcans, p. 73.
  85. Breton, Manifestes du surréalisme, p. 37.
  86. Pasolini, Polémique Politique Pouvoir, p. 161.
  87. Ibid., p. 36.
  88. Ibid., p. 78.
  89. Si « quelqu’un proteste de toutes ses forces […] contre la régression et la dégradation, cela veut dire qu’il aime ces hommes-là, en chair et en os. Un amour que j’ai le malheur d’éprouver » (Pier Paolo Pasolini, Lettres Luthériennes, p. 34).
  90. « La mort accomplit un fulgurant montage de notre vie », Pier Paolo Pasolini, « Observations sur le plan-séquence », dans Pasolini, L’Expérience hérétique (Paris : Payot, 1976), p. 88–92 (p. 92).

Références

Bibliographie

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  48. Pétrole, trad. René de Ceccatty (Paris : Gallimard, 1995/2006/2022)
  49. Polémique Politique Pouvoir. Conversations avec Gideon Bachmann, trad. Fabien Trémeau (Paris : Éditions critiques, 2024)
  50. « Que faire du bon sauvage », trad. Nunzia Javarone, Vice versa Magazine transculturel, 1.1 (1983), p. 1 ; 10–11
  51. La Rage, trad. Patrizia Atzei et Benoît Casas (Caen : Nous, 2014)
  52. Saggi sulla politica e sulla società, éd. Walter Siti et Silvia De Laude (Milan : Mondadori, 1999)
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  56. Zimmer, Jacques, Sade et le cinéma (Paris : La Musardine, 2010)

Filmographie

  1. Buñuel, Luis, L’Âge d’or (1930)
  2. Cavani, Liliana, Il portiere di notte (Portier de nuit) (1974)
  3. Falardeau, Pierre, Le Temps des bouffons (1985)
  4. Pasolini, Pier Paolo, Il Decameron (Le Décameron) (1971)
  5. Il fiore delle Mille e una note (Les Mille et Une Nuits) (1974)
  6. I racconti di Canterbury (Les Contes de Canterbury) (1972)
  7. Medea (Médée) (1969)
  8. La Ricotta (1963)
  9. Salò o le centoventi giornate di Sodoma (Salò ou les 120 journées de Sodome) (1975)
  10. Il vangelo secondo Matteo (L’Évangile selon saint Matthieu) (1964)
  11. Resnais, Alain, Nuit et brouillard (1956)